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Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation

Mesdames, Messieurs,
Chers amis, Chers camarades,

Il y a 72 ans, les Alliés découvraient l’horreur des camps nazis. Le monde saisissait soudainement la sombre réalité de l’implacable mécanique de
déportation, l’ignoble et effroyable barbarie d’un système d’Etat dont l’idéologie reposait sur l’oppression, la répression, les exactions et l’extermination
subies par des millions de victimes envoyées à la mort.
Permettez- moi, en ce moment particulier de notre pays, de faire un nécessaire rappel historique.

Les camps de concentration, créés dès 1933 lors de l’arrivée au pouvoir d’Hitler avaient un objectif : mettre les opposants hors d’état de nuire, transformer
l’individu en remodelant son esprit par les coups, l’abrutissement, l’avilissement.
Le système concentrationnaire ce sont des chiffres, à eux seuls effrayants. Plus de 8 millions de victimes originaires de 23 nations qui ont endeuillé à
jamais l’histoire de l’humanité.

Le régime hitlérien a ouvert 203 camps, dont 12 camps de concentration, 6 camps d’extermination, pensés pour l’élimination de leurs opposants et
l’éradication par des méthodes de mort industrielle de plusieurs millions de femmes, d’hommes et d’enfants. Auschwitz reste l’odieux symbole de la folie
meurtrière nazie.

Pour la France, je voudrais rappeler, pour notre souvenir commun : il y a eu près de
83 000 déportés pour motifs raciaux et religieux.
Sur les 76 000 Juifs déportés, seuls 2 000 d’entre eux ont survécu ; sur 93 500 déportés politiques, près de 32 000 d’entre eux sont morts et sur les 45
500 résistants et patriotes détenus, près de la moitié d’entre eux a été exterminée.
Ils étaient des pères, des mères, des ami-e-s, des voisin-e-s, des collègues de bureau, qui ont d’abord été stigmatisés puis déportés, affamés, torturés,
assassinés.

Mesdames et messieurs, cette commémoration est l’occasion de se rappeler la souffrance atroce, endurée par ces hommes, ces femmes et ces enfants,
exterminés et persécutés pour ce qu’ils étaient, persécutés pour ce qu’ils pensaient, dépouillés de tout ce qui fonde leur identité.

En cet instant, nous sommes là pour nous souvenir de celles et ceux qui ne sont pas revenus ou qui ont survécu à l’enfer des camps. Ils sont restés à tout
jamais meurtris, blessés, marqués au véritable sens du mot, au fer rouge.

A Aubervilliers, Jack Ralite, à l’époque maire de notre ville, avait dévoilé en 1995 une plaque à la mémoire des enfants juifs « de 5 ans, de 9 ans, de 15
ans qui furent raflés » à Aubervilliers.

Je veux les citer aujourd’hui :
« Ils s’appelaient Louisette, Jacques, Claude et Jeanine, Béatrice, Marcel, Manfred et Rachel. Ils habitaient les rues Baudelaire, Lécuyer, des Postes,
Solférino, et avenue de la République, tous désignés, fichés, étoilés, déportés, gazés, brûlés ».
Aubervilliers dont deux Maires, Émile Dubois et André Karman ont connu les affres de la déportation.

Mesdames, Messieurs, souvenons-nous de ces victimes et de celles et ceux qui n’ont eu de cesse de combattre pour écraser la « bête immonde », pour
rendre l’espoir à l’humanité.

Nous leur sommes redevables d’avoir permis de maintenir vivantes les valeurs indispensables à la République, celles de justice et de respect des autres, de
liberté, d’égalité et de fraternité.
Parmi eux, de nombreux Albertivillariens et Albertivillariennes.

Voyons où conduit la haine de l’autre ! où conduit la banalisation du racisme ! où conduit le repli sur soi, le manque de solidarité !
Aujourd’hui, instruits par l’histoire, nous savons qu’aucune dérive, aucune faiblesse n’est acceptable. Nous savons que rien n’est banal ni anodin. Nous
savons comment l’horreur fait ses premiers pas.

Souvenons-nous que les partis fascistes et nazis européens ont été portés au pouvoir sur fond de crises économiques, certes, mais par les urnes.

C’est pourquoi, il faut répéter que les camps de concentration et leurs millions de morts ne sont ni un simple dérapage, ni « un détail », ni même des faits
de guerre mais qu’ils sont la conséquence inévitable et mécanique d’idées de haine et d’exclusion du discours nazi et fasciste. Politique, à laquelle, hélas ,
le régime de Vichy et l’Etat français prêtèrent ignoblement leur concours.

Il faut donc, sans relâche, répéter que cette célébration n’est pas uniquement tournée vers l’Histoire et la mémoire, mais bien vers notre présent et notre
avenir.

Mesdames et messieurs,
Notre combat d’aujourd’hui a ceci de radicalement nouveau qu’il n’a plus seulement affaire à l’extrême droite elle-même, mais encore plus
dangereusement à la diffusion et la banalisation de ses idées par une partie de la droite jusqu’au plus haut niveau, ainsi que par toute une brochette de
chroniqueurs politiques, de philosophes médiatiques, de politologues et d’experts autoproclamés.
Il faut aujourd’hui, où la crise économique, politique et morale de nos sociétés conduit une fois encore à chercher et désigner des boucs émissaires, avoir
le courage de lutter contre ce qui est à l’origine des difficultés, de la misère, de l’appauvrissement des peuples pendant que tant de richesses s’envolent,
disparaissent dans une apocalypse financière qui finira par engendrer de nouvelles catastrophes.

Alors, si j’ai voulu, chers ami-e-s, prendre le temps cette année, de parler de tout cela avec vous plus longuement, c’est parce qu’il me semble impératif de
nous donner à nous-mêmes, et de donner à l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens quelques éléments de réflexion, pour que chacune et chacun
puisse saisir de quoi il retourne afin d’agir en conséquence, et en responsabilité.

Et à la question de savoir si l’extrême droite est une force politique acceptable par la République, nous avons, nous, démocrates et républicains, la réponse
claire et nette : NON ! Ce n’est pas en remplaçant un racisme par un autre, une xénophobie par une autre, que l’on devient républicain !

Et à cette autre question : l’extrême droite et ses idées sont-elles devenues les représentantes des « vraies gens », comme on voudrait nous le faire croire
? Nous, les démocrates et républicains, nous pouvons répondre en toute conscience : NON !
Mais le danger est bel et bien là. Parce que, certains cherchent à le banaliser, à le rendre acceptable, en spéculant sur la colère qui, elle, est bien légitime en essayant de capitaliser sur le désespoir qui mine des millions de familles, de salariés de retraités, de chômeurs et de jeunes.

L’histoire nous a si cruellement appris qu’on ne joue pas les apprentis-sorciers impunément et qu’on ne peut pas prendre le risque d’ouvrir la boîte de
Pandore sans en voir surgir en cascade les fléaux qu’elle contient.

Mesdames, Messieurs, je veux terminer sur des notes d’espoir, ce n’est pas par idéalisme béat, mais parce que le peuple de France a toujours su relever la
tête, s’unir, et défendre les idéaux républicains.
Continuer à penser, s’interroger sur soi, sur ses actes, sur la justice, est la condition pour ne pas sombrer dans cette banalité du mal.
Si nous ne devons pas oublier les horreurs, commises par certains, nous devons aussi nous souvenir de cette capacité à se révolter, à se rebeller, à lutter
contre les injustices, contre la négation de l’être humain et ce, même, dans les conditions les plus insupportables.

La lutte contre l’oubli, l’ignorance, la haine et le racisme reste aujourd’hui l’un des combats les plus nécessaires et les plus justes. A nous de faire en sorte
que les femmes et les hommes consacrent leurs forces à l’édification d’une société et d’un monde de justice, de fraternité, de paix et de solidarité.

Et s’il y avait une seule chance afin qu’un jeune de plus, entende ce message, il faudrait le lancer par tous les moyens, et à tous les niveaux !

Que ce jour du souvenir soit utile au réveil des consciences pour le présent et pour l’avenir.
Des consciences que le poète Paul Eluard, interpellait, en écrivant à propos des déportés du nazisme :
« Si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons ! »

Je vous remercie.
Mériem Derkaoui